Microsoft 365 sur la sellette : la Suisse prépare son indépendance numérique avec l'open source

La neutralité suisse s’applique-t-elle aussi à ses serveurs ? C’est la question brûlante qui agite la Confédération. Alors que l’administration fédérale avait entamé un virage vers le cloud de Microsoft il y a trois ans, un mouvement de résistance s’organise. L’Université des sciences appliquées de Berne a annoncé le 7 décembre diriger un projet d’envergure de 4 millions de francs suisses (environ 4,3 millions d’euros). L’objectif ? Créer un centre cantonal pour la souveraineté numérique et promouvoir Open Desk, une alternative open source à Microsoft 365.
Ce n’est pas une initiative isolée. Le projet rassemble déjà 22 partenaires, dont le puissant Canton de Berne, la Ville de Zurich, ainsi que le Département fédéral de justice et police. Sous la houlette de Matthias Stürmer, directeur de l’Institut de transformation du secteur public, chaque partenaire contribue à hauteur de 10 000 CHF (environ 10 700 €) pour soutenir une demande de financement auprès d’Innosuisse, l’agence pour l’encouragement de l’innovation. Le « Réseau Suisse numérique souveraine » espère lancer la phase de développement dès avril prochain pour une durée de deux ans.
La solution technique retenue, Open Desk, n’est pas inconnue : développée initialement par le Centre allemand pour la souveraineté numérique (ZenDiS), elle agrège des briques open source éprouvées (comme Nextcloud, Open-Xchange ou Collabora) pour offrir une suite bureautique complète et souveraine. La Ville de Zurich teste déjà cette solution pour valider si elle peut répondre aux exigences du travail de bureau standard.
L’Armée et la CNIL suisse tirent la sonnette d’alarme
Cette accélération vers le libre intervient dans un climat de méfiance croissante envers les GAFAM. Fin octobre, c’est le chef de l’armée, Thomas Süssli, qui a jeté un pavé dans la mare en demandant l’arrêt du déploiement de Microsoft 365 pour les militaires. Son argument est imparable : environ 90 % des documents militaires classés « internes » ou « secrets » ne peuvent légalement pas être stockés sur un cloud américain. Il réclame désormais une stratégie de sortie et un cloud privé.
Le problème de fond reste le Cloud Act américain, qui permet aux autorités des États-Unis d’accéder aux données stockées par leurs entreprises, même si les serveurs sont physiquement en Suisse. Fin novembre, la Conférence suisse des préposés à la protection des données a enfoncé le clou, mettant en garde les organismes publics contre l’utilisation de services dépourvus de chiffrement de bout en bout réel, citant explicitement Microsoft 365 comme problématique.
Si le projet actuel ne vise pas un remplacement total et immédiat de Microsoft (la migration étant déjà bien engagée), il positionne l’open source comme un « pilier central » de sécurité. La Chancellerie fédérale évalue d’ailleurs déjà Open Desk comme solution de « bureautique d’urgence » pour garantir la continuité de l’État en cas de crise.
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